Sean O’Casey / nouvelle traduction de l’anglais par Irène Bonnaud et Christophe Triau
Mise en scène : Irène Bonnaud
Avec : Marie Favre, Dan Artus, Martine Schambacher, Sophie-Aude Picon, Roland Sassi, Edmond Vullioud, Anne-Laure Luisoni, Roman Palacio, Bernard Escalon, Assaad Bouab, Adeline Guillot
Collaboratrice artistique : Sophie-Aude Picon - Scénographie : Claire Le Gal - Costumes : Nathalie Prats-Berling - Maquillage et coiffures : Catherine Saint-Sever - Lumière et vidéo : Daniel Levy - Son : Alain Gravier /Jean-Marc Bezou - Régie générale : Christophe Bernard - Régie lumière : Victor Dos Santos - Régie son : Jean-Marc Bezou - Régie plateau : Christophe Boisson - Stagiaire-assistant mise en scène : Emilien Malausséna - Photos : © Vincent Arbelet.
Production déléguée : Théâtre Dijon Bourgogne, en coproduction avec la Comédie de Genève et avec la participation du Jeune Théâtre National.
La Charrue et les Etoiles raconte un de ces moments où la vie quotidienne d’individus « sans histoire » est bouleversée de fond en comble par un événement dont ils ne comprennent ni la portée ni le sens. Un de ces moments où la politique fait violemment irruption dans la vie de tous, même de ceux qui juraient ne rien vouloir à faire avec elle.
O’Casey met en scène les locataires d’un immeuble de Dublin pendant l’insurrection de Pâques 1916. Heiner Müller racontait l’histoire d’un conducteur de tracteur qui saute sur une mine oubliée de la Seconde Guerre Mondiale (Tracteur). Büchner disait l’histoire d’un homme que le désespoir politique de son époque pousse à la folie (Lenz). John Osborne décrivait la crise de Suez du point de vue d’une petite famille anglaise dont le fils est exécuté par l’armée égyptienne (Music hall 56). Des dramaturgies et des écritures différentes, mais qui explorent toutes l’enchevêtrement de la vie privée et de la vie politique, de l’intime et du collectif. Les petites histoires du quotidien se mêlent aux événements historiques et on voit les champs de bataille s’étendre aux chambres à coucher et aux cages d’escalier.
O’Casey était lui-même membre de l’Armée Citoyenne Irlandaise, il a lui-même porté le drapeau de « la charrue et les étoiles ». Mais comme le jacobin Büchner écrivant sur la révolution française ou Müller sur le communisme, il est bien loin de délivrer un message de propagande pour son propre camp. On a plutôt l’impression qu’il « appuie là où ça fait mal », mettant à vif les contradictions d’une politique qui avance sur des cadavres et s’allie aux pires valeurs réactionnaires (le nationalisme et le fanatisme religieux). C’est du théâtre politique, oui, mais pas du théâtre engagé, plutôt un théâtre qui prend la politique comme matériau et en réouvre les plaies sanglantes. Malgré toute sa bonne humeur et ses scènes de farce, La Charrue et les Etoiles porte un sous-titre : « tragédie en quatre actes » qui pourrait tout aussi bien s’appliquer à l’histoire qu’elle raconte, une insurrection condamnée d’avance qui n’a remporté de victoire que par ses morts. Aujourd’hui le culte des « martyrs » semble plus fort que jamais, partout dans le monde, bien loin du Dublin d’O’Casey. C’est le moment de ressortir sa pièce du tiroir : elle n’a rien perdu de sa vitalité.
Armelle Heliot, O'Casey, populaire, politique, poétique
Jean-Pierre Thibaudat, Quand I.Bonnaud relit O'Casey, Dublin nous parle de Grozny
Jean-Pierre Han, Un vrai théâtre de service public
Alexandre Demidoff, Coup de folie à l'irlandaise
Madame Gogan
Vous êtes allés loin en ville ? Vous avez trouvé trace de Fluther ou de Nora ? Comment ça se présente ? J’ai entendu dire que ça canardait sec devant la Poste centrale. Que les Anglais se sont déployés en masse autour de la colonne Nelson et de la statue de Parnell, et que les pavés dans O’ Connell street sont quasiment couverts de mares de sang.
Peter
On n’a pas vu trace de Nora ou de Fluther, nulle part.
Madame Gogan
On aurait dû l’empêcher de force d’aller chercher son mari…. Dieu sait ce qui lui est arrivé — j’arrête pas de la voir étendue sur le dos dans un hôpital, à gémir de douleur avec une balle dans le bide, et les bonnes sœurs qui essayent de lui faire regarder une dernière fois le crucifix !
Covey
On peut rien faire. On peut pas mettre le nez sur O’ Connell street, et Tyler’s est en feu.
Peter
Et on a vu les Lanciers...
Covey lui coupe la parole
Ils trottaient, le nez au vent ; avec les éperons, et les sabres qui cliquetaient, et les lances qui vibraient, et l’air de se demander « Où ils sont, ces garnements, qu’on leur donne une petite correction», quand y a eu une salve venue de la Poste qu’en a étendu la moitié et qu’a envoyé galoper l’autre à se demander jusqu’où faudrait qu’elle aille pour être en sécurité.
Peter se frottant les mains
« Putain, que je me suis dit, ça c’est du sport ! »
Covey
Puis le général Pearse sort avec son état-major, et bien droit au milieu de la rue, il lit la Proclamation.
Madame Gogan
Quelle proclamation ?
Peter
Qui établit la République Irlandaise.
Madame Gogan
Bon sang de bon Dieu !
Création le 4 février 2009 au Théâtre Dijon Bourgogne.
Développé avec Berta